Le Vietnam a lancé une vaste opération de transformation de ses récifs en véritables forteresses de sable pour contrer l’expansionnisme de Pékin. En agrandissant 21 de ses possessions dans les îles Spratleys, Hanoï construit désormais plus rapidement que son rival chinois, redéfinissant ainsi les rapports de force dans l’une des zones les plus instables du globe. Ce basculement stratégique est crucial aujourd’hui, car il pourrait marquer le début d'une nouvelle ère de militarisation intensive en haute mer.
Ce qui vient de se passer
Depuis quelques années, et de façon très accélérée récemment, le Vietnam a entrepris des travaux colossaux en mer de Chine méridionale. En s'appuyant sur des images satellites analysées par le Centre d'études stratégiques et internationales, on observe que 21 îlots et récifs sous contrôle vietnamien ont été massivement agrandis.
Pour ce faire, le pays utilise des tonnes de sable, de gravier et divers matériaux de construction pour élever des terres qui, pour certaines, étaient totalement submergées à marée haute. Ces nouveaux territoires artificiels ne sont pas de simples bancs de sable : ils accueillent déjà des bâtiments, des habitations, mais aussi des infrastructures militaires de pointe. Selon des rapports récents, le Vietnam y installe des ports capables d’accueillir des navires de guerre, des pistes d’atterrissage pour des avions de transport lourd, ainsi que des tranchées défensives et des entrepôts de munitions.
Ce qui frappe les observateurs en ce moment, c’est la vitesse d’exécution : le Vietnam semble désormais construire ses structures plus vite que la Chine ne l'a fait lors de sa propre phase d'expansion.
Pourquoi c’est important
Le contrôle de cette région n’est pas qu’une question de prestige national ; les enjeux sont multiples et vitaux pour l'équilibre mondial :
1. Le commerce mondial : Environ un tiers du commerce maritime mondial transite par cette zone. Toute instabilité ou contrôle exclusif par une puissance militaire pourrait paralyser des flux économiques majeurs.
2. Les ressources naturelles : Les sous-sols de la mer de Chine méridionale regorgent de gisements de pétrole et de gaz, tandis que les eaux sont parmi les plus riches en ressources halieutiques (poissons) au monde.
3. La souveraineté physique : Historiquement, ces îles étaient inhabitables. En créant des infrastructures permanentes, les pays tentent de transformer des revendications historiques floues en une souveraineté physique et officielle incontestable.
4. Le verrou de Taïwan : La proximité avec Taïwan rend cette zone stratégique pour la Chine, qui souhaite surveiller et potentiellement bloquer le trafic maritime autour de l’île qu’elle revendique.
Qui gagne / Qui perd
Dans ce jeu de go géant, les positions évoluent rapidement :
• Le Vietnam (Gagnant stratégique) : En créant des faits accomplis sur le terrain, Hanoï renforce sa position défensive face à Pékin. Le pays réussit à militariser ses positions sans s'attirer les mêmes foudres internationales que la Chine.
• La Chine (Contestée) : Bien qu'elle ait été la pionnière de la "Grande Muraille de sable", la Chine voit son hégémonie remise en question par un voisin déterminé. Elle réagit par une agressivité croissante, comme en témoignent les récentes attaques contre des pêcheurs vietnamiens en octobre 2024.
• Les États-Unis (Arbitre discret) : Washington condamne fermement les constructions chinoises mais se montre beaucoup plus indulgent envers le Vietnam. Pour les Américains, un Vietnam fort est un allié de circonstance précieux pour contenir les ambitions chinoises.
• Les Philippines et autres riverains (Sous pression) : Taïwan, la Malaisie, le Brunei et l'Indonésie observent cette course aux armements avec inquiétude, craignant d'être les victimes collatérales d'un conflit ouvert.
Ce qui peut se passer ensuite
Plusieurs scénarios se dessinent pour les mois à venir :
• Une militarisation achevée : Le Vietnam devrait terminer ses pistes d'atterrissage et ses installations de défense antiaérienne sur les récifs les plus stratégiques, rendant toute tentative de récupération par la Chine extrêmement coûteuse militairement.
• L'escalade des incidents navals : La multiplication des navires de patrouille dans des zones de plus en plus exiguës augmente le risque de collisions ou d'accrochages, comme celui survenu entre navires chinois et philippins en octobre dernier.
• Une impasse diplomatique : Malgré les décisions de la Cour permanente d'arbitrage de La Haye en 2016, qui avait jugé les revendications chinoises infondées, Pékin continuera probablement d'ignorer le droit international, misant sur la force du fait accompli.
Ce qu’il faut surveiller
Pour comprendre l'évolution de la situation, quatre indicateurs seront clés :
1. L'achèvement des pistes d'atterrissage sur les îles vietnamiennes, qui permettra le déploiement permanent de chasseurs.
2. La réaction officielle de Pékin lors des prochains sommets de l'ASEAN.
3. Les exercices militaires conjoints entre les États-Unis et ses alliés (Philippines, Vietnam) dans la région.
4. Le niveau de violence des garde-côtes chinois envers les pêcheurs et navires de ravitaillement étrangers.
Conclusion
La mer de Chine méridionale n'est plus seulement une zone de transit, c'est devenu un laboratoire de la guerre moderne où la géographie même est modifiée par l'homme pour servir des ambitions de puissance. En érigeant ses propres îles artificielles, le Vietnam ne fait pas que copier la méthode chinoise : il crée un rempart physique qui oblige la communauté internationale à prendre position.
L'avenir de la liberté de navigation mondiale se joue désormais sur ces quelques hectares de sable et de béton gagnés sur l'océan.
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