Face à un déclin démographique sans précédent, le gouvernement chinois s'apprête à taxer les préservatifs pour inciter les naissances. Cette mesure radicale illustre l'urgence d'une nation qui voit sa population vieillir et diminuer à une vitesse alarmante. Ce qui se joue aujourd'hui en Chine, c'est la survie de son modèle économique et social pour les décennies à venir.,
Ce qui vient de se passer
Le gouvernement chinois a annoncé une décision qui suscite de vifs débats : dès le 1er janvier 2026, les préservatifs et les produits contraceptifs seront soumis à une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 13 %,. Ces produits étaient pourtant exonérés de cette taxe depuis 1993. L'objectif est limpide : en renchérissant le coût de la contraception, les autorités espèrent limiter son utilisation et favoriser ainsi une hausse de la natalité.
Cette mesure intervient alors que les chiffres sont au rouge. En 2023, la Chine a officiellement perdu son titre de pays le plus peuplé du globe au profit de l'Inde. Sa population a reculé de 2 millions d'individus en une seule année, soit l'équivalent de la population de Paris,. Le constat est d'autant plus inquiétant que le nombre de naissances a chuté de 15 millions en 2019 à seulement 9,5 millions en 2024. Le taux de fécondité stagne désormais autour de un enfant par femme, alors qu'il en faudrait 2,1 pour assurer le simple renouvellement des générations.
Pourquoi c'est important
L'enjeu n'est pas seulement numérique, il est existentiel. Selon les prévisions de l'ONU, si la tendance actuelle se poursuit, la Chine pourrait passer de 1,4 milliard d'habitants aujourd'hui à environ 800 millions d'ici 2100. Ce basculement a des conséquences concrètes et immédiates sur la structure même de la société :
1. Le choc du vieillissement : D'ici 2035, un tiers de la population chinoise aura plus de 60 ans. Cette situation pèse lourdement sur le système de santé et les régimes de retraite.
2. La fonte de la population active : Moins de jeunes signifie moins de travailleurs pour faire tourner les usines et financer l'économie. Pour compenser, l'État a déjà dû relever l'âge de départ à la retraite en 2025.
3. Un échec des politiques précédentes : Après avoir imposé la politique de l'enfant unique entre 1980 et 2015 pour freiner une croissance trop rapide (le taux était de 6 enfants par femme dans les années 60), le gouvernement ne parvient pas à relancer la machine malgré l'autorisation d'avoir trois enfants depuis 2021,.
Qui gagne / Qui perd
Dans ce scénario, les rapports de force sont complexes et les bénéfices incertains.
• Le gouvernement chinois : Il espère « gagner » une bataille démographique sur le long terme. Cependant, en agissant sur le prix de la contraception, il prend le risque de paraître intrusif dans la vie privée des citoyens, comme l'ont montré les campagnes d'appels téléphoniques encourageant les femmes à procréer.
• Les jeunes couples et les femmes : Ce sont les principaux « perdants » de cette mesure. Ils font déjà face à un coût de la vie exorbitant dans les métropoles, à des frais d'éducation élevés et à une pression professionnelle intense. La taxe de 13 % s'ajoute à un fardeau financier déjà lourd.
• La santé publique : Les experts craignent que cette mesure n'entraîne pas plus de naissances désirées, mais plutôt une augmentation des grossesses non désirées et une recrudescence des maladies sexuellement transmissibles (MST) si l'accès aux protections devient plus difficile.
Ce qui peut se passer ensuite
L'application de la taxe en 2026 n'est qu'une étape. On peut s'attendre à plusieurs scénarios dans les mois à venir :
• Une adaptation des industriels : Les distributeurs et producteurs de contraceptifs pourraient choisir de réduire leurs marges pour éviter une explosion des prix en rayon, minimisant ainsi l'impact de la mesure fiscale.
• Le renforcement des incitations positives : Parallèlement à la taxe, le gouvernement multiplie déjà les subventions, améliore l'assurance maternité et renforce les ressources médicales. Ces aides pourraient être augmentées si la taxe s'avère inefficace.
• Une pression sociale accrue : Si les chiffres de 2024 et 2025 ne montrent aucune amélioration, les autorités pourraient adopter des mesures encore plus directes ou des campagnes de communication plus agressives.
Ce qu'il faut surveiller
Pour comprendre l'évolution de la situation, plusieurs indicateurs seront déterminants :
• Les statistiques de natalité de 2024 et 2025 : Elles permettront de voir si les mesures d'aide actuelles (hors taxe) commencent à porter leurs fruits.
• Le taux de chômage des jeunes : Un chômage record empêche les nouvelles générations de se projeter et de fonder une famille, quel que soit le prix des préservatifs.
• L'évolution des mentalités : Un nombre croissant de femmes revendique le droit de sortir des schémas traditionnels et des injonctions à la maternité, un phénomène que l'on observe aussi bien en Corée du Sud qu'en France.
• Les réactions internationales : La Chine n'est pas la seule à s'inquiéter de son "réarmement démographique", et ses décisions pourraient influencer d'autres nations confrontées au même déclin.
Conclusion
La crise démographique chinoise est le résultat d'un cocktail explosif : héritage de politiques passées, pression économique moderne et changement profond des aspirations sociales. En choisissant de taxer la contraception, Pékin tente d'actionner un levier financier sur un sujet pourtant éminemment personnel et complexe. Mais dans un pays où le coût de l'éducation et du logement pèse bien plus lourd que le prix d'un préservatif, il est peu probable que cette taxe suffise à relancer la natalité. L'avenir de la Chine dépendra moins du prix de la contraception que de sa capacité à offrir un environnement économique et social où fonder une famille redeviendra un projet désirable et viable.
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